- guignon
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⇒GUIGNON, subst. masc.Malchance qui semble poursuivre quelqu'un (au jeu, dans la vie, etc.). Guignon sur guignon. Tout rate et fait long feu ce matin (AMIEL, Journal, 1866, p. 46). Je me remémore les aventures de Lazarille de Tormes et son implacable guignon (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 210) :• Non, vils et fréquentant les déserts sans citerne,Ils courent sous le fouet d'un monarque rageur,Le Guignon, dont le rire inouï les prosterne.MALLARMÉ, Poésies, 1898, p. 29.♦ Porter le guignon (à qqn); être en (dans le) guignon. Quand quelqu'un est dans le guignon, il a beau faire, il se noierait dans son crachat (VIDOCQ, Mém., t. 4, 1828-29, p. 176). Avoir du guignon. En revanche j'ai eu du guignon à trois reprises (AMIEL, Journal, 1866p. 489).♦ Littér. (XIXe s.). Prendre qqn (qqc.) en guignon. Prendre quelqu'un (quelque chose) en grippe. Il lui sembla qu'elle prenait en guignon le marquis de Croisenois (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 319). On s'explique aussi que le monde prenne en guignon les veuves sérieusement inconsolables (AMIEL, Journal, 1866, p. 238). Si vous lui dites mon nom avec ces charges-là, il me prendra en guignon (SAINTE-BEUVE, Corresp., t. 6, 1818-69, p. 254).Prononc. et Orth. : [
]. Att. ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1609 « mauvaise chance » (RÉGNIER, Satires, XI ds Œuvres complètes, éd. J. Plattard, p. 101). Dér. de guigner pris au sens de « regarder de manière défavorable »; suff. -on. L'idée de malchance vient de l'allusion à la superstition très répandue du mauvais œil. Fréq. abs. littér. : 78. Bbg. WEDGWOOD (H.). Fr. etymologies. Guignon. Romania. 1878, t. 8, p. 437.
guignon [giɲɔ̃] n. m.ÉTYM. 1609; de guigner « regarder de côté, ou de travers », d'où, « de façon défavorable »; le mot évoque l'idée de « mauvais œil ». → 2. Guigne.❖♦ Fam. Mauvaise chance persistante (au jeu, dans la vie…). ⇒ Cerise, 2. guigne (fam.); malchance. || Avoir du guignon, être en guignon. || Être poursuivi par le guignon. || Porter le guignon à quelqu'un, lui porter malheur. || Quand le guignon s'en mêle, rien ne réussit (→ Fatalité, cit. 13). — Le Guignon, titre de poèmes de Baudelaire et de Mallarmé.1 Je ne sais, ma très chère, comme vous pouviez croire que votre présence fût un obstacle à la fortune de vos frères; vous n'êtes guère propre à porter guignon.Mme de Sévigné, Lettres, 816, 5 juin 1680.2 Il y a, dans l'histoire littéraire (…) de vraies damnations, — des hommes qui portent le mot guignon écrit en caractères mystérieux dans les plis sinueux de leur front.Baudelaire, E. A. Poe, sa vie et ses œuvres, I.3 Ceux qui disent : « J'ai du guignon », sont ceux qui n'ont pas encore eu assez de succès et qui l'ignorent (…) il n'y a pas de guignon. Si vous avez du guignon, c'est qu'il vous manque quelque chose : ce quelque chose, connaissez-le (…)Baudelaire, l'Art romantique, IV.4 Ils courent sous le fouet d'un monarque rageur,Le Guignon, dont le rire inouï les prosterne.Mallarmé, Poésies, « Le guignon ».❖CONTR. Bonheur, chance, veine (fam.).COMP. Enguignonné.DÉR. Guignonnant.
Encyclopédie Universelle. 2012.